LE DESIR. Anatole France
Je sais la vanite de tout desir profane.
A peine gardons-nous de tes amours defunts,
Femme, ce que la fleur qui sur ton sein se fane
Y laisse d'ame et de parfums.
Ils n'ont, les plus beaux bras, que des chaines d'argile,
Indolentes autour du col le plus aime;
Avant d'etre rompu leur doux cercle fragile
Ne s'etait pas meme ferme.
Melancolique nuit des chevelures sombres,
A quoi bon s'attarder dans ton enivrement,
Si, comme dans la mort, nul ne peut sous tes ombres
Se plonger eternellement?
Narines qui gonflez vos ailes de colombe,
Avec les longs dedains d'une belle fierte,
Pour la derniere fois, a l'odeur de la tombe,
Vous aurez deja palpite.
Levres, vivantes fleurs, nobles roses sanglantes,
Vous epanouissant lorsque nous vous baisons,
Quelques feux de cristal en quelques nuits brulantes
Sechent vos breves floraisons.
Ou tend le vain effort de deux bouches unies?
Le plus long des baisers trompe notre dessein;
Et comment appuyer nos langueurs infinies
Sur la fragilite d'un sein?
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